journal de bord d'une transat

Journal de bord d’une transat

Pour les navigateurs avides de précisions, voici le journal de bord de la transat effectuée sur le cata Kronos 45 « Mamayamba », en 2006. 
Equipage : Jean-Pierre (skipper, propriétaire), Benjamin et Jean-François.

de gauche à droite : Jean-François, Jean-Pierre, Benjamin

10 novembre 2006 : 
11h départ de Port Napoléon. Dans le golfe de Fos, envoi de la GV et du gennaker. Vent plein arrière : envoi du spi pour essai. Le vent tombe,  envoi des moteurs. Le moteur tribord s’arrête au bout de 4 h, ça commence bien !

11 novembre : 
calme et moteur. Les lignes de pêche sont à la traîne, on prend une bonite de 6/7 kg.

Jean-Pierre et la bonite

Le moteur n’a pas redémarré malgré nos efforts. On fait escale à Pollensa (Majorque) au mouillage.

12 novembre : 
Pas de possibilité de réparer rapidement, on repart pour Palma à 21h

13 novembre : 
4h : on mouille à Soller pour dormir quelques heures. 
9h45 : appareillage pour Palma. 17h30 : accosté au quai à Palma. Quelques démêlées avec la police, car nous sommes dans un endroit interdit, nous obtenons l’autorisation pour la nuit. Ouf !

14 novembre : 
10h : quai à carburant : 246 L. 
11h : amarré au Real Nautico, pour attendre le mécanicien. Le temps de faire les formalités, je redémarre le moteur tribord après avoir shunté le préfiltre. Le mécanicien remet le circuit en ordre, il a trouvé la fuite, c’est le couvercle du préfiltre qui ne serre pas assez. 
14h : appareillage pour Gibraltar, toujours au moteur, on marche à 6 nœuds. 

15 novembre :
0h00 : envoyé GV et foc au près bon plein à 7.5 n. 
02h00 : un grand moment de navigation, on passe entre Ibiza et Formentera, je suis de quart, sous pilote automatique, je surveille notre position sur la cartographie Maxsea interfacée avec le GPS. Un vrai plaisir, et quelle sécurité ! 
Le vent tombe progressivement, à 9h30 on remet les moteurs.

16 novembre : 
01h00 : on passe le Cap Palos au sud de l’Espagne. 
9h00 : on pêche une daurade coryphène. 
14h00 : on fait 1h de voile. 
18h40 : on passe le Capo de Gata. 
23h30 : la mer est agitée, on n'avance pas sur le bon cap, on se réfugie dans la baie d’Alméria, 

17 novembre : 
01h30 : mouillage à l’abri de la côte.
après une bonne nuit de repos au calme à 9h : on repart, il fait beau. Pas pour longtemps, le vent d’ouest se renforce 20 à 30 n, la mer est très agitée et cassante, au près on en prend plein la g… On va se mettre à l’abri à Almérimar.

18 novembre : 
il fait beau, le vent est tombé, la mer est belle. Après quelques bricolages et le plein on repart. 
12h00 : moteur bâbord et GV, cap sur Gibraltar. Le paysage est magnifique, on aperçoit sur tribord les sommets enneigés de la Sierra Nevada, il fait chaud, on se fait bronzer. A midi : magret de canard, pommes de terre sautées, un régal, sur la terrasse (enfin, dans le cockpit, très confortable). 

La sierra Nevada enneigée

18h : on passe le Cap Sacratif. 
20h00 : visite des dauphins pour un ballet phosphorescent, magnifique.

19 novembre :
toujours calme et moteurs, dauphins et étoiles filantes toute la nuit. 
8h00 : on est en vue du rocher de Gibraltar. 

Le fameux rocher de Gibraltar

11h00 : accosté au quai à carburant, le temps de faire le plein et de réparer la latte supérieure de GV, trop courte, je bricole une petite rallonge. 
12h00 : on repart pour profiter des conditions idéales : vent de N.E, il ne faut pas narguer Eole. 
De toutes façons, il est dimanche et tout est fermé à Gibraltar (on est en Grande-Bretagne). 
18h00 : on sort du détroit, sans avoir pu admirer Tanger dans la brume.

20 novembre : 
on est à la voile, mais le vent reste faible, alors moteur dans les accalmies. 
13h00 : on passe à l’heure TU (- 1h). JP a pêché une petite daurade qu’il fait au gril pour le dîner. 

21 novembre : 
moteur toute la nuit. Le feu de route vert-rouge a des faux contacts, je bricole un « secoue feu » avec un bout, qui nous évite de nous déplacer jusqu’à l’avant à tout moment. 
5h30 : Benj passe le foc en ciseaux, stop moteur. 
9h00 : envoi du spi, mais il porte mal et s’enroule régulièrement autour de l’étai. 
On prend une daurade, on en rate 2 autres. 
En début de nuit on affale le spi, avec difficulté malgré la chaussette, le vent réel était bien plus fort que le vent apparent. 

22 novembre : 
le vent a forci, on accélère avec une pointe à 15 n. 
09h00: ça se calme, on apprécie le soleil. 
12h00 : à midi daurade au four. 
Après-midi, pour la 1ère fois, on fait un peu de lecture. 

23 novembre : 
on aperçoit les lueurs de Lanzarote sur bâbord, au lever du jour on voit la terre. 
13h00 : un petit coup de moteur pour aider le vent.

24 novembre : 
8h00 : arrivée à Las Palmas au mouillage. Il y a beaucoup de bateaux à la marina, ceux de la course de l’ARC.
Programme de l’escale : ravitaillement, promenade et plein de carburant à Texaco, où je retrouve Pedro qui tient la station depuis 1981, et que j’ai rencontré à chaque passage (5 déjà). 
Départ prévu dimanche en même temps que la course pour se comparer, ils arrivent à Ste-Lucie et nous en Martinique, on suivra donc la même route. 

25 novembre : 
changement de temps, le vent est au nord et il pleut. On sort 1h au large pour faire le plein avec le dessal et de l’eau plus propre ! On prend un gros grain, un récupérateur d’eau aurait été aussi efficace et sans bouger. 
10h00 : au mouillage même place. Quelques bricolages sur la GV (coulisseaux et lazy bag). 
16h00 : promenade à terre avec Benjamin dans le vieux Las Palmas, que je connais bien, jusqu’à la nuit. Derniers coups de téléphone en France. 
Minuit : le feu d’artifice en l’honneur de l’ARC nous réveille en sursaut. 

Dimanche 26 novembre : 
4h00 : on touche le bateau voisin, on change de place, c’est toujours agréable à cette heure là. 
On a prévu de sortir avant les 230 bateaux de l’ARC, qui partent à 13h, pour faire des photos du départ. Ensuite on essaiera de suivre la meute des catas, pour pimenter la traversée. Spectacle grandiose avec Las Palmas en fond d’écran, mais les photos ne rendent pas la vision. En quelques heures, 40 bateaux nous ont déjà doublé, dont les gros bateaux de course sous spi. 

Un déboulé sous spi

Sous gennaker, nous prenons l’option ouest, bientôt déventés par l’île, nous virons au sud. 

27 novembre : 
0h00 : voiles en ciseaux, cap direct, allure confortable. 
12h00 : 173 M au loch, mais pas tous dans la bonne direction. 
14h30 : je déroule le génois derrière la GV, le gennaker sur l'autre bord, ça marche à notre grande surprise. 
Ce matin on voyait encore quelques voiles, cet AM, plus rien : c’est grand la mer. 

28 novembre : 
RAS

29 novembre : 
le gennaker est passé à l’eau (drisse cassée), on récupère la voile. Envoi du spi qui se déchire. Le vent est faible, on avance doucement avec le foc et GV. Pêché une daurade, le congel se remplit.

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La très belle cuisine de Mamayamba

30 novembre : 
réparation du spi, du gennaker et de la balancine de GV. Renvoyé le spi. Pris une daurade. 
23h30 : amené le spi en cata, c’est pas au point. 

Vendredi 1er décembre :
8h00 : renvoyé le spi après réparation des petits accrocs. 

Pégase, nous tire vers la Martnique

Les 3 premiers jours on a fait 170 M, mais depuis 2 jours on tourne à 120, c’est pas terrible, sauf pour la pêche, le vent est faible. 
AM : le vent monte d’un cran, on accélère toujours sous spi. 
18h00 : on rentre le spi pour la nuit (méfiance), en route voiles en ciseau. 

2 décembre :
le vent monte, la mer se forme, on va vite, 4 surfs à plus de 16 n, pas vu un bateau.

Un visiteur du large en escale

3 décembre :
0h00 : il reste moins de 1800 milles à faire, on maintient une bonne allure. 
01h00 : contact VHF avec un bateau de l’ARC, un français, il est 75e !!! Pas terrible pour nous, nous pensions être mieux placés.
12h00 : 205 M en 24h, soit 8.5 nœuds, notre meilleur moyenne, reste 1700 M. 
Vu les premiers paille-en-queue, les oiseaux qui annoncent les îles. 
3 surfs à plus de 17n, dont un à 17.8, record du bateau battu. 

4 décembre :
le vent a faibli ce matin, la moyenne aussi : 8n et 195 M parcourus. 
AM : je remarque que le bateau est lourd et se vautre après avoir fait le plein d’eau au dessal. Les réservoirs (770L) sont placés très en avant. JP décide de vider la moitié de l’eau pour voir, le bateau est transfiguré, il est devenu presque léger de l’avant et avance tout seul.

5 décembre :
très belle journée, surfs impressionnants, on barre pour le plaisir, Benjamin fait une pointe à 18.8n.

Les couchers de soleil agrémentent nos soirées

6 décembre : 
ça se complique, le vent est fort (jusqu'à 30n apparents), il faut barrer, le pilote est dépassé, les embardées sont impressionnantes. 

A fond la caisse dans l'alizé

2h30 : je suis à la barre, la drisse de GV casse, la voile descend, dans le noir, j'ai cru que le mât était tombé. On ferle la voile et on continue avec le foc seul jusqu’au jour. On passe la nouvelle drisse à la place de la balancine et on renvoie la GV vers 11h. 
Le vent est très fort, le foc se dévente et claque. 
Je fais une pointe à 19.3 n. JP décide de ménager le foc, on le ramène sous la GV pour qu’il ne claque plus, ça marche et en plus le pilote s’en sort tout seul, on respire un peu. 

7 décembre : 
RAS à part la panne de groupe électrogène le soir. Il est dans la soute bâbord avant, il faut viser entre les vagues pour ouvrir le capot. JP et Benjamin passent des heures inconfortables à tout vérifier et essayer. C’est la cata sur un bateau aussi énergivorace. On a presque plus d’eau, le dessal est en 220V, les batteries sont faibles. On charge avec le moteur tribord qui a un gros alternateur, on stoppe le congel et on barre (le pilote est gourmand). 

8 décembre : 
miracle : Benjamin redémarre le groupe (il s'était mis en sécurité) après une matinée dans la soute avant. On refait de l’eau, une machine à laver, on charge les batteries, l’électricité coule à flot... 
Conclusions perso : au lieu d’un géné et une multitude d’appareils voraces, je choisis l’option économie avec des panneaux solaires, quitte à me passer du congel, de la machine à laver et autres, je mets un dessal en 12V pour réduire la quantité d’eau embarquée (il faut rester léger, on l’a vu), et peut-être un petit groupe portable en secours. Pour moi la leçon a été salutaire, mais je crois que JP va se tourner vers la solution d’un 2e groupe en secours !
Vu 3 bateaux, dont un cata Lavezzi « Ocean Race ». 

Ocean Race

Beaucoup plus léger que nous, il nous faudra la journée pour le doubler. Contact VHF avec lui. 
De l’eau dans la cale moteur bâbord, on vide et JP répare la pompe de cale. Soudain, le bateau se met en travers de la houle, on se fait bousculer sérieux, j’ai bien cru qu’on allait se retourner. On s’en tire avec quelques bleus et on ramasse tout ce qui a volé dans le bateau, dont le PC portable. 
Grosse frayeur, Benjamin était à la barre, il s'est fait peur !

9 décembre : 
contact mail avec ma fille Elodie, qui est pilote d’hélico dans la Marine, elle est basée en Martinique sur le « Ventose ». Elle ne pourra pas être là pour notre arrivée, on avait prévu un rendez-vous en mer au large de la Martinique, dommage. 
Réparé 2 coulisseaux de GV. 
Pas de bateaux à l’horizon. Mangé la dernière daurade, nous ne pêchons plus, nous allons trop vite. 
Arrivée prévue mardi 12 à ce train là. 

10 décembre : 
vu 3 voiliers

11 décembre : 
de la pluie. Un cata nous double « Trisca Vera » un Island Spirit 40’, il nous avait déjà doublé au départ, nous l’avions donc repris. Il porte un magnifique spi à tuyères, manifestement très efficace.

12 décembre : 
le vent faiblit encore, nous envoyons le spi pour l’arrivée. 
7h45 : j’aperçois le 1er sommet de la Martinique (le gros Morne). Enfin ! 
9h00 : amenons la GV, on continue sous spi seul, il porte mieux. 

La Martinique en vue

12h00 : contact téléphonique avec la terre : finie la tranquillité ! 
15h30 : rentrons le spi sous un grain, en cata comme d’habitude. 
16h30 : nous sommes mouillés devant la plage des salines.

Arrivée à la plage des Salines

Retrouvailles mouvementées avec mes filles (Elo et Juju) sur la plage, on a failli se retourner avec le zodiac dans les rouleaux. Les moustiques nous chassent bientôt, retour au bateau pour une nuit calme au mouillage.

Bilan : 
traversée Las Palmas-Martinique en 16 jours et 8 heures : 2860 milles, 175 milles/24h  et 7.3 n de moyenne. 
On a eu des alizés forts avec une grosse mer, sauf au départ et à l’arrivée. 
On va souvent trop vite pour pêcher (prévoir des boîtes de sardines…), le pain tout prêt sous plastique est une belle trouvaille, il suffit de le passer 15 minutes au four, un régal le matin au p’tit déj. au milieu de l'océan !