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UNE ESCALE LUNAIRE

Escale à Mindelo (décembre 1988)

Diamantina est arrivé au Cap Vert, après une semaine de navigation tranquille depuis Las Palmas. Nous avons choisi Mindelo sur l’île de Sao Vicente, escale mythique pour les navigateurs.

L’approche a été bizarre pendant la dernière nuit, on voyait une lumière dans le ciel, Gilbert penchait pour un avion et moi pour une lumière sur la montagne. Finalement on ne saura jamais ce que c’était, sans doute une hallucination collective.

barque de pêche

On remarquera que la voile est faite avec des sacs de patates cousus ensemble, (elle vient d'une célèbre voilerie)

J'ai de bons souvenirs de cette escale où on a l'impression d'arriver sur la lune. En dehors de quelques arbres en ville, il n'y a pas un brin de verdure. Et pourtant les gens sont gentils et accueillants.

La police est venue à bord pour les formalités et avec le pavillon de courtoisie à vendre. Je suppose qu’il est préférable de l’acheter pour être bienvenu, à moins que ce ne soit que pour rendre service, ce que je crois après coup. Lorsqu’on arrive sur la plage, une bande de gamins, plus ou moins jeunes, se précipite pour garder l’annexe. Là aussi, il vaut mieux choisir un garde, rémunéré de quelques escudos, plutôt que de ne pas retrouver l’annexe.

la rade de Mindelo

Avant l'invention de la roue !

Le tour de la ville est vite fait, il y a une rue parallèle à la plage où on retrouve toutes les banques et les boutiques de souvenirs. Un peu plus loin se trouve le marché ; les gens sont si pauvres qu’ils achètent les fruits à l’unité, ce qui nous surprend beaucoup. Difficile de compléter les provisions pour la traversée, vu les maigres ressources. Heureusement, nous avions prévu le coup à Las Palmas et nous ne comptions pas trop sur le Cap vert pour faire l’approvisionnement. Nous avons quand même acheté un cageot de pommes déjà avancées.

On ne pouvait pas partir sans acheter quelques cassettes de musique locale de la patrie de Césaria Evora, qui sera connue en France, quelques années plus tard. Par contre, il n'y avait qu'une seule carte postale, celle de l'aéroport !

Grâce à Gilbert, mon équipier et maintenant ami, qui avait déjà navigué ici pendant plusieurs mois, j'y ai connu Lili Matos, le patron de la boulangerie industrielle de l'île. La visite de la boulangerie est impressionnante, le four continu est entièrement fait à la main de bouts de ferraille divers et entraîné par l'intermédiaire d'un pont arrière de 404. Dans l'atelier il y a en tout et pour tout un tour avec lequel tout est usiné et ajusté. Quand un pignon est cassé ou usé il est refondu sur place dans des moules en bois fait main. Etant moi-même bricoleur à la française (Casto ou Brico), j'en ai pris plein les yeux, devant tant d'ingéniosité et de débrouillardise. Une bonne leçon !

C'est aussi là que j'ai compris le mot bidonville, en voyant les baraques d'habitation entièrement construites en tôle de bidons de 200L déroulés. En France on ne sait pas quoi en faire.

Lili avait une vieille Mercedes, il devait l'arrêter en descente, car il n'avait pas de batterie depuis longtemps, elle servait sans doute à une tâche plus utile. Cela ne l'a pas empêché de nous emmener au restau de "Tonton" Toulenc, un breton (il est mort depuis), un aventurier comme il n'y en a plus. Pas besoin de choisir son menu, on mange ce qu'il y a et c'est bon. J'ai laissé un message sur l'énorme livre d'or (en plusieurs tomes), où j'ai reconnu les noms de tous les grands navigateurs passés par là. Merci Gilbert de m'avoir fait connaître des gens de cette trempe et de cette qualité.

Si on veut du dépaysement, c'est là qu'il faut aller, il faut rester en dehors les hôtels qui ont été construits depuis dans certaines îles.

Malgré la rareté de l’eau, produite par une usine de dessalement et livrée par camion, nous avons complété notre réservoir d’une centaine de litres et fait le plein de carburant (détaxé).

Nous avons aussi acheté un sac de pains, chez Lili, mais la moisissure allait plus vite que nous et nous avons dû en jeter pas mal après une semaine de traversée. Nous avions également acheté un sac de biscuit en pâte à pain, ils étaient tellement durs qu’il en restait à notre retour en France. A la boulangerie, il y a la queue en permanence, ceux qui ont de l’argent paient leur pain, ceux qui n’en ont pas ne paient pas, de quoi surprendre notre mentalité de pays riche.

En partant j'ai donné à Lili une batterie que j'avais en réserve, il doit toujours l'avoir, parce que là aussi, ils réparent leurs batteries eux-mêmes, au lieu de les jeter comme nous.

Les gens sont très pauvres et en plus ils doivent tout acheter à prix d'or au Portugal, alors que par ailleurs les îles ne survivent que grâce à la générosité internationale qui envoie ici des cargos de blé, et autres céréales, du carburant, etc… Chaque île étant prise en charge par un état occidental « riche » : France, Allemagne, Canada… Le bateau de poulet était en retard, il n’y avait plus que le poisson pêché localement pour survivre lors de notre passage.

Le départ est difficile et on a le coeur serré, on a l'impression d'abandonner les gens à leur triste sort, sur cette île sans eau et sans rien.

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Commentaires

  • Azama

    1 Azama Le 25/12/2011

    Bonjour,

    En faisant une recherche "lili Matos Mindelo", je tombe sur cet article, et je suis très surpris, car il n'a pas de date...

    Ancien convoyeur de voiliers, j'ai bien connu Lili Matos, et Tonton, qui était déjà agé en 1984.

    J'ai donc l'impression de rajeunir d'un bon quart de siècle, et je rajouterais que chez Lili, enfin dans son usine, la moindre goutte d'eau pour se laver les mains finissait au pied d'un figuier (et que Lili qui a vécu au Sénégal parlait parfaitement le français).

    Je retrouve bien là sa générosité , et d'ailleurs, il m'a dit plusieurs fois "si tu croise le père Jaouen, donne lui mon bonjour".

    Par contre, je n'ai jamais connu la "marina" que l'on voit sur lrd photos satellites, ni les gamins à l'accueil sur la "plage" hérissée de tessons ...

    Au contraire, un soir ou nous avions festoyé ;-), un gamin me courait après, en criant: Senhor, senhor!!! Je voulais être tranquille, mais le môme me tendait à bout de bras... ma carte de crédit!

    Attendrissante Mindelo, que j'avais surnomée "là où les gens qui n'ont rien, donnent tout".

    J'avais même envisagé d'y finir ma vie, entre le Vietnam, Mada et quelques coins paradisiaques...

    Bon, mais ma question, est "de quand date cet article"?

    Salut et fraternité.

    Azama

    Le 01/01/2012

    Bonjour, cette escale au cap vert était en décembre 1988. La marina n'existait pas, il y avait une vieille digue en ruine et j'ai connu les petits gardiens d'annexes, mais c'était fait gentiment pour quelques escudos. J'avais un équipier Gilbert, qui avait passé là quelques mois sur un gros bateau, c'est grâce à lui que j'ai rencontré Tonton Loncle et Lili Matos. L'escale fut courte, mais elle m'a profondément marqué, ainsi que ces 2 personnages. La musique du Cap vert a aussi laissé des traces et j'ai eu la chance de voir 2 concerts de Césaria Evora, en France. Paix à son âme ! Moi j'ai eu l'impression d'être sur une autre planète et de les abandonner en partant. Merci de ton message, cela m'encourage à maintenir mon site à jour, même si c'est mollement. Je vais rajouter les dates, où elles manquent. Je te souhaite une bonne année 2012 puisque c'est le moment. A bientôt Jean-François
  • Azama

    2 Azama Le 08/10/2014

    Je n'avais pas vu ta réponse, alors qu'elle date de 2 ans! (Pas d'alerte).
    Il y a maintenant 5 ans que je n'ai pas navigué, et tu peux imaginer comme le sillage phosphorescent des nuits d'alizés me manquent, tout comme les points d'étoiles au sextant, et des endroits comme Mindelo, bien sur, mais tant d'autres, de par les océans.
    Bon vent à toi!

    Charles l'auvergnat voileux en cale sèche.
    diamantina

    diamantina Le 23/03/2015

    Idem pour moi, je n'étais pas venu sur mon site depuis longtemps. Après 4 ans sans naviguer, il y a du nouveau de mon côté, l'aventure va reprendre à bord d'un Privilège 465 acheté en copropriété avec ma fille. La 1ère navigation sera une nouvelle transat Antilles-France qui va permettre de tester le bateau à fond. J'espère être convaincu par ce bateau, je mettrai mes commentaires sur le site. Pareil pour moi, la Bourgogne est un peu loin de la mer. A bientôt JF

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